2.6 La consultation au sein du Service des poursuites pénales du Canada
Guide du Service des poursuites pénales du Canada
Ligne directrice du directeur donnée en vertu de l’article 3(3)(c) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales
Le 1 mars 2014
Table des matières
- 1. Introduction
- 2. La responsabilité en matière de poursuite
- 3. L’objet des consultations entre les bureaux régionaux et l’administration centrale du Service des poursuites pénales du Canada
- 4. Le rôle de la Division des procureurs de l’administration centrale
- 5. Consultation avec l’administration centrale
- 6. Consultations au sein des bureaux régionaux et entre les bureaux régionaux
1. Introduction
La présente ligne directrice décrit le processus de consultation au sein du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) et, en particulier, les consultations entre les bureaux régionaux et l’administration centrale du SPPC. D’autres lignes directrices traitent des consultations avec les autres ministères fédéraux qui sont chargés de l’application de lois fédérales, avec les centres d’expertise du ministère de la Justice et avec les organismes d’enquêteNote de bas de page 1.
2. La responsabilité en matière de poursuite
L’indépendance du directeur des poursuites pénales (DPP) et, par extension, des procureurs de la Couronne, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de poursuivre, libre d’influences politiques indues, est un principe constitutionnel important au CanadaNote de bas de page 2. Les procureurs de la Couronne agissent indépendamment des organismes d’enquêtesNote de bas de page 3 et des autres ministères gouvernementauxNote de bas de page 4. L’« indépendance du procureur de la Couronne »
est, au bout du compte, celle du DPP, lequel doit répondre de ses actes devant les tribunaux et le public lors de l’exercice de ses fonctions en matière de poursuites. Chaque procureur de la Couronne est redevable de ses actes au DPP. En outre, même si la Loi sur le directeur des poursuites pénalesNote de bas de page 5 ( Loi sur le DPP) crée le Bureau du DPP ( Bureau du DPP), le procureur général du Canada reste le premier conseiller juridique de la Couronne et il est responsable en dernier ressort envers le Parlement des poursuites fédérales. Le rôle du DPP est distinct de celui du procureur général; ce rôle entraîne une supervision plus étroite et une implication plus fréquente aux dossiers.
À titre de procureurs de l’État, les procureurs de la Couronne exercent au nom du DPP une fonction qui leur est déléguée par celui-ciNote de bas de page 6. L’« indépendance »
du procureur de la Couronne n’est rien de plus, mais rien de moins, que l’indépendance institutionnelle du Bureau du DPP et, en fin de compte, du procureur général. Il faut bien comprendre que l’indépendance en matière de poursuite découle des charges du procureur général et du DPP. Pour cette raison, les procureurs de la Couronne rendent des comptes au DPP qui, à son tour, rend des comptes au procureur général au sujet des décisions qu’ils prennent en matière de poursuiteNote de bas de page 7.
La responsabilité liée aux poursuites fédérales est assurée par la structure de gestion hiérarchique du SPPC. Les procureurs doivent rendre des comptes à leurs chefs d’équipe, aux procureurs fédéraux en chef adjoints (ou l’avocat général des opérations juridiques) et aux procureurs fédéraux en chef, des décisions qu’ils prennent en matière de poursuite. Les procureurs fédéraux en chef doivent à leur tour rendre des comptes aux directeurs adjoints (DPP adjoints), lesquels relèvent du DPP. Ce dernier est responsable de la manière dont les fonctions en matière de poursuite sont exercées pour le compte du procureur général du Canada. En outre, le DPP exécute le rôle et les attributions visées à l’art. 3(3) de la Loi sur le DPP sous l’autorité et pour le compte du procureur généralNote de bas de page 8. Enfin, le procureur général, comme tout membre du Cabinet, est responsable au Parlement et au public des décisions prises en son nom.
3. L’objet des consultations entre les bureaux régionaux et l’administration centrale du Service des poursuites pénales du Canada
Dans certains cas, la consultation d’intervenants susceptibles de fournir des renseignements additionnels et une expertise utiles au procureur de la Couronne est nécessaire pour déterminer si le critère régissant la question de savoir si une poursuite devrait être engagéeNote de bas de page 9 est rempli, s’il devrait y avoir un arrêt des procédures ou si une position particulière devrait être adoptée en regard de la peine.
Dans la présente ligne directrice, le terme « consultation »
est utilisé pour désigner : (i) la communication d’informations par un bureau régional à l’administration centrale au sujet d’une affaire particulière, (ii) la demande d’avis ou d’aide présentée par un procureur d’un bureau régional à un procureur de l’administration centrale, (iii) la consultation des bureaux régionaux par un procureur de l’administration centrale au sujet de questions pratiques et de politiques en matière de poursuite et (iv) les consultations informelles au sein des et entre les bureaux régionaux.
Les consultations entre les procureurs des bureaux régionaux et de l’administration centrale du SPPC sont essentielles pour diverses raisons, notamment la nécessité :
- de faire en sorte que le DPP, qui est responsable des poursuites, soit tenu informé de l’évolution des poursuites du SPPC au besoin, et des affaires qui suscitent ou susciteront probablement un intérêt soutenu ou important dans les médias ou un intérêt public;
- d’informer le procureur général des affaires d’
« intérêt général »
tel que requis sous l’art. 13 de la Loi sur le DPPNote de bas de page 10; - d’assurer la cohérence et la coordination de la politique nationale en acquittant le mandat du DPP;
- d’assurer la cohérence des positions adoptées dans les poursuites partout au pays;
- de gérer efficacement les risques juridiques;
- de faire en sorte que les procureurs fédéraux en chef et les procureurs de la Couronne des bureaux régionaux soient informés des affaires présentant un vif intérêt pour le public, des précédents jurisprudentiels pertinents et des enjeux ou tendances juridiques qui se dessinent dans d’autres parties du pays et à l’international.
La communication d’un message cohérent et concerté aux enquêteurs et aux procureurs de la Couronne concernant les approches à adopter dans l’interprétation des lois ou en regard des types de litiges est un élément fondamental du rôle du DPP. Assurer cette cohérence constitue un défi qui exige la collaboration de l’ensemble de l’organisation, les services de celle-ci étant fournis par des centaines de procureurs dans toutes les régions du pays, dans le cadre d’une diversité de litiges.
4. Le rôle de la Division des procureurs de l’administration centrale
La Division des procureurs de l’administration centrale (la Division) est composée des procureurs de la Direction des poursuites en matière de drogues, sécurité nationale et territoires du Nord et de la Direction des poursuites réglementaires et économiques. Les procureurs de l’administration centrale s’occupent des questions d’ordre opérationnel qui découlent des poursuites fédérales.
Le travail de la Division s’inscrit dans les trois grands domaines suivants :
- l’orientation stratégique, la gestion des risques et l’appui à des types particuliers de litiges ou d’affaires;
- l’appui général aux procureurs de première ligne;
- l’appui au DPP, aux DPP adjoints et aux ministères et organismes fédéraux concernés.
La Direction des poursuites en matière de drogues, sécurité nationale et territoires du Nord s’occupe des enquêtes et des poursuites concernant des infractions prévues par la Loi réglementant certaines drogues et autres substancesNote de bas de page 11, les produits de la criminalité et le blanchiment d’argent, la sécurité nationale et les poursuites intentées dans le Nord en vertu du Code criminel. Pour sa part, la Division des poursuites réglementaires et économiques se charge des fraudes sur les marchés financiers visées par le Code criminel et sur toutes les autres infractions fédérales, par exemple celles qui sont prévues par la Loi sur la concurrenceNote de bas de page 12, la Loi de l’impôt sur le revenuNote de bas de page 13, la Loi sur les pêchesNote de bas de page 14, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiésNote de bas de page 15, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)Note de bas de page 16 et la Loi sur le droit d’auteurNote de bas de page 17.
Les procureurs de l’administration centrale sont responsables de la coordination de l’ensemble des avis juridiques et de l’élaboration de toutes les politiques en matière de poursuite pour le Bureau du DPP. Conjointement avec le Comité national des politiques de poursuites (CNPP) et le Comité consultatif des causes importantesNote de bas de page 18, ces procureurs contribuent à assurer la cohérence des positions adoptées dans les poursuites fédérales, en repérant les cas similaires ou connexes, en coordonnant les positions, en établissant des directives de pratique, en collaborant avec les procureurs régionaux à la préparation de mémoires traitant de domaines du droit en pleine évolution ou nouveaux et en donnant des conseils sur l’application et l’interprétation de nouvelles lois importantes touchant les procureurs fédéraux.
Les responsabilités de ces procureurs, en s’assurant des obligations de rendre compte du DPP et en s’assurant que l’administration centrale soit un centre de ressource utile pour les procureurs de la Couronne en région, pour les enquêteurs et pour la haute gestion, incluent notamment les tâches suivantes :
- fournir des conseils dans leurs domaines d’expertise;
- donner des avis concernant une poursuite particulière aux procureurs de la Couronne, aux organismes d’enquête fédéraux, et aux services juridiques du ministère de la Justice;
- assurer la coordination et l’orientation stratégique, gérer les risques en matière de litiges et soutenir les procureurs de première ligne chargés de la conduite de causes présentant un intérêt national en raison de l’importance des questions en litige, de l’envergure de l’affaire, de l’émergence d’une question d’intérêt national particulier ou d’une contestation constitutionnelle inédite;
- faire en sorte que le DPP et les DPP adjoints soient tenus informés des affaires importantes, notamment des affaires :
- qui soulèvent des questions juridiques complexes, constitutionnelles ou inédites;
- dont l’issue est d’intérêt national ou régional;
- dans lesquelles une loi fédérale est attaquée;
- dans lesquelles les politiques, les pratiques ou les pouvoirs en matière d’application de la loi de l’organisme d’enquête sont contestés;
- qui intéressent grandement les médiasNote de bas de page 19 ou le public;
- qui pourraient donner lieu à une décision judiciaire défavorable ou à des commentaires négatifs sur un procureur de la Couronne ou sur le SPPC en général, ou sur une démarche de la poursuite;
- élaborer des politiques concernant des questions d’ordre opérationnel touchant les poursuites;
- établir des liens avec les avocats du ministère de la Justice, les agents chargés de l’application de la loi et les organismes d’enquête et faciliter les communications avec eux sur des questions qui non pas trait à une affaire particulièreNote de bas de page 20;
- donner la perspective de la poursuite et des avis sur l’élaboration de politiques de droit pénal;
- contribuer aux initiatives en matière législative, d’application de la loi et de financement des autres ministères qui concernent des poursuites ou ont une incidence sur elles; et
- recommander la mise en accusation directe et d’autres affaires concernant un consentement statutaire.
4.1. La fourniture d’avis sur les politiques en matière de poursuite au directeur des poursuites pénales et aux directeurs adjoints des poursuites pénales
Comme il a été mentionné précédemment, le DPP est responsable en dernier ressort devant le public et les tribunaux de la conduite des procureurs de la Couronne qui le représentent. Il serait toutefois impossible, à cause du grand nombre d’affaires dont il s’occupe, que le DPP participe directement à toutes les poursuites fédérales. Le DPP ne s’occupe habituellement pas des affaires courantes. Il est possible cependant qu’il en vienne à jouer un rôle dans une poursuite parce que la nature de l’affaire exige une surveillance étroite de l’exercice du pouvoir discrétionnaire en matière de poursuite au sujet duquel il doit rendre des comptes. La section 6.5 donne des exemples d’affaires de ce genre. Le DPP peut aussi jouer un rôle dans une poursuite parce que la loi exige son consentement. Par exemple, le consentement du DPP est requis pour une mise en accusation directe et pour l’introduction d’une poursuite concernant certains types d’infractionsNote de bas de page 21.
Lorsque le DPP ou un DPP adjoint participe à la prise de décisions concernant une poursuite, ils se fient sur les avis des procureurs dans les régions ainsi que sur les avis des procureurs de l’administration centrale. En cette qualité, ils ajoutent une perspective nationale à un enjeu juridique et, en raison de leur rôle en matière de coordination, ils peuvent être au courant de l’existence d’intérêts particuliers d’autres ministères ou agences gouvernementaux. Les procureurs de l’administration centrale répondent normalement aux demandes d’avis du DPP et des DPP adjoints. Les demandes faites aux bureaux régionaux par les procureurs de l’administration centrale doivent être considérées comme des demandes émanant du DPP ou d’un DPP adjoint. Les bureaux régionaux préparent généralement les documents décrivant la nature de l’affaire et ses aspects importants, et ils peuvent recevoir des demandes de renseignements additionnels ou, à l’occasion, ils peuvent devoir fournir certains documents originaux sur lesquels leur recommandation s’appuie.
5. Consultation avec l’administration centrale
Les procureurs des bureaux régionaux du SPPC doivent nécessairement faire preuve de discernement lorsqu’ils déterminent s’ils devraient consulter l’administration centrale au sujet d’une poursuite. En cas de doute, ils devraient demander le plus tôt possible l’avis de leur procureur fédéral en chef ou du procureur fédéral en chef adjoint. Pour certaines questions, la consultation est obligatoire; pour les autres questions, les procureurs peuvent consulter les avocats de l’administration centrale.
Voici des exemples d’affaires pour lesquelles les procureurs de la Couronne en région doivent consulter les procureurs de l’administration centrale:
- affaires concernant des infractions de terrorisme ou touchant autrement la sécurité nationale;
- affaires ayant valeur de précédent en ce qui concerne la peine proposée ou les arguments juridiques présentés;
- affaires dans lesquelles des arguments juridiques inédits sont invoqués;
- poursuites complexes de grande envergureNote de bas de page 22;
- affaires qui suscitent ou susciteront probablement un intérêt soutenu ou important dans les médias;
- poursuites réglementaires de grande portée, qui sont complexes ou qui soulèvent des questions d’importance nationale ou des questions inédites;
- demandes d'entraide internationale en matière de produits de la criminalité visant des biens que, si saisis/bloqués/confisqués au Canada, demanderait l'engagement ou l'approbation du DPP adjoint concerné ; et
- l’adoption de positions qui divergent du Guide du SPPC.
Voici des exemples d’affaires pour lesquelles les procureurs de la Couronne en région pourraient vouloir consulter les procureurs de l’administration centrale:
- avis juridiques sur des dossiers n’ ayant pas trait à une affaire particulière;
- décisions envisagées concernant les appels interjetés aux cours d’appel provinciales et territorialesNote de bas de page 23; et
- plaidoyers envisagés qui sont particulièrement délicats, notamment dans le cas de poursuites pour homicide dans lesquelles la Couronne consent à un plaidoyer pour une accusation moins grave ou s’entend avec la défense sur la peine qui doit être infligée;
Les procureurs de la Couronne devraient porter dès que possible à l’attention des procureurs de l’administration centrale toutes les affaires de ce genreNote de bas de page 24. Il n’est pas nécessaire que les procureurs de la Couronne consultent l’administration centrale au sujet des poursuites plus courantes, à moins qu’ils aient besoin de conseils ou de précédents.
Les procureurs de la Couronne peuvent communiquer avec l’un des experts désignés de la Division des procureurs de l’administration centrale. S’il n’y a pas d’expert désigné relativement au sujet en cause, les procureurs des bureaux régionaux du SPPC doivent communiquer avec la personne ressource de l’administration centrale désignée pour le bureau régional.
6. Consultations au sein des bureaux régionaux et entre les bureaux régionaux
Les consultations ne se font pas seulement de façon horizontale au sein du SPPC et dans l’ensemble de l’administration publique, mais aussi avec les collègues dans un bureau régional et entre les bureaux régionaux. Les procureurs de la Couronne doivent consulter régulièrement leurs collègues travaillant dans le même bureau régional. En fait, non seulement ils peuvent les consulter sur des questions complexes, mais on s’attend à ce qu’ils consultent leurs collègues plus expérimentés ou ayant été aux prises avec des questions semblables dans le passé. Les procureurs de la Couronne doivent se rappeler qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils ne renoncent pas à leur indépendance en matière de poursuite lorsqu’ils consultent des collègues. Par exemple, il peut être difficile de cerner l’intérêt public dans les affaires comportant des enjeux sociaux complexes, surtout dans le domaine réglementaire et économique. Le procureur de la Couronne devrait consulter ses collègues dans un tel cas.
Les procureurs fédéraux en chef sont encouragés à élaborer des politiques sur les types d’affaires exigeant des consultations au sein de leur bureau régional et sur les mécanismes de consultation.
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