3.6 La mise en accusation directe
Guide du Service des poursuites pénales du Canada
Ligne directrice du directeur donnée en vertu de l’article 3(3)(c) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales
Révisée le 25 mars 2022
Table des matières
1. Introduction
L’article 577 du Code criminel autorise le procureur général ou le sous-procureur général à renvoyer directement une affaire pour procès, même s’il n’y a pas eu enquête préliminaire ou si l’accusé a été libéré au terme de celle-ci. L’objet de la disposition a été énoncé de la façon suivante par le juge Southin de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique :
À mon avis, le Parlement avait l’intention, en adoptant cette disposition, de conférer au procureur général ou au sous-procureur général le pouvoir de déroger au processus de l’enquête préliminaire. Il s’agit d’un pouvoir spécial qui ne peut être exercé, en règle générale, par les procureurs de la Couronne, mais uniquement à l’issue de la décision du premier conseiller juridique de l’État ou de son sous-ministre.
Un tel pouvoir constitue une reconnaissance de la responsabilité constitutionnelle ultime des procureurs généraux de veiller à ce que les personnes qui devraient être traduites devant les tribunaux le soient. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles un procureur général ou un sous-procureur général peut envisager une mise en accusation directe dans l’intérêt véritable de l’administration de la justice pénale. Les témoins peuvent avoir fait l’objet de menaces ou avoir une santé fragile, il peut y avoir eu des délais avant l’institution des procédures et donc, un risque de contrevenir à l’alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés, le procureur général peut juger que l’enquête préliminaire dans les cas où la cause repose essentiellement sur des éléments de preuve recueillis par écoute électronique est trop dispendieuse et prend trop de temps, sans raison. Ce qui précède ne constitue que des exemples. Il n’est ni sage ni possible de circonscrire le pouvoir du procureur général en vertu de cette dispositionNote de bas de page 1.
La présente ligne directrice énonce les critères sur lesquels se fonde la directrice des poursuites pénales (DPP) en sa qualité de sous-procureure générale du Canada pour déterminer si elle doit consentir à la mise en accusation prévue à cet article. Elle précise également la procédure que doivent suivre les procureurs de la Couronne et les mandataires pour recommander la « mise en accusation directe ».
2. Énoncé de principe
La DPP exercera le pouvoir discrétionnaire conféré au procureur général au titre de l’art. 577 du Code dans des circonstances impliquant des violations graves de la loi et où il est de l’intérêt public de le faire.
Une mise en accusation peut être dans l’intérêt public dans les circonstances suivantes :
- L’accusé est libéré à l’issue de l’enquête préliminaire en raison d’une erreur de droit, de compétence ou d’ordre manifeste concernant les faits en l’espèce Note de bas de page 2;
- L’accusé est libéré à l’issue de l’enquête préliminaire. Toutefois, de nouveaux éléments de preuve, découverts par la suite, auraient probablement donné lieu à un renvoi à procès s’ils avaient été produits lors de l’enquête préliminaire ;
- L’accusé est renvoyé pour subir son procès relativement à l’infraction reprochée. De nouveaux éléments de preuve découverts par la suite justifient qu’il soit jugé pour une infraction différente ou plus grave n’ayant pas fait l’objet d’une enquête préliminaire ;
- Il a été décidé, compte tenu du délai (réel ou anticipé) attribuable à la tenue du procès, que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable garanti par l’art. 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés pourrait être compromis à moins que l’affaire ne soit instruite immédiatement.
- Il y a des motifs raisonnables de croire qu’une menace pèse sur la vie, la santé ou la sécurité des témoins ou des membres de leur famille, des informateurs ou des personnes associées au système de justice, et que cette menace pourrait être considérablement réduite si le procès avait lieu immédiatement, sans enquête préliminaire Note de bas de page 3;
- Les procédures intentées contre l’accusé doivent être accélérées pour maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice ;
- Une mise en accusation directe est nécessaire pour éviter les procédures multiples, par exemple lorsqu’un accusé est renvoyé pour subir son procès à l’issue d’une enquête préliminaire et qu’un autre accusé inculpé de la même infraction vient tout juste d’être arrêté ou extradé au Canada à ce titre Note de bas de page 4;
- L’état des témoinsNote de bas de page 5, y compris leur âge ou leur santé, exige la production de la preuve le plus tôt possible devant le tribunal, ou pose problème s’ils doivent témoigner plus d’une fois ;
- La tenue d’une enquête préliminaire serait déraisonnablement onéreuse pour les ressources de la poursuite, de l’organisme chargé des enquêtes ou du tribunal ;
- Une mise en accusation directe est nécessaire pour protéger les enquêtes et les opérations policières en cours ainsi que la sécurité opérationnelle, lorsque la nécessité d’une telle protection est importante et qu’elle peut être démontrée.
3. Procédure
Lorsque les procureurs entendent procéder par voie de mise en accusation directe, ils doivent :
- Informer le procureur fédéral en chef (PFC) ou le procureur fédéral en chef adjoint (PFCA) dès que possible.
- Rédiger une note de service comprenant :
- Un bref exposé des faits démontrant qu’il existe une probabilité raisonnable de condamnation et que l’intérêt public serait mieux servi par la tenue d’une poursuite. S’il y a plusieurs accusés, l’exposé des faits doit établir clairement qu’il existe des éléments de preuve suffisants à l’égard de chacun d’eux. L’exposé des faits doit également mentionner :
- Le nom de la personne accusée ;
- Sa citoyenneté, si la personne n’est pas canadienne ;
- Les accusations portées contre elle ;
- Les éléments de preuve recueillis ;
- v. La date à laquelle la mise en accusation doit être portée.
- Une analyse faisant état :
- Des points forts et des points faibles de l’affaire ;
- De toute question de droit importante qui pourrait se poser et de toute question d’importance particulière pour l’intérêt public ;
- Des raisons justifiant une demande de mise en accusation directe ;
- De l’étendue de la divulgation déjà faite à l’accusé, de l’ampleur de la divulgation restant à être communiquée, des délais prévus pour l’exécution du processus de divulgation ainsi que des difficultés et des différends possibles à cet égard ;
- Des facteurs énoncés dans la présente ligne directrice, notamment une évaluation objective et motivée des facteurs tant favorables que défavorables à une mise en accusation directe.
- Une copie du plan de poursuite approuvée, le cas échéant.
- Une annexe comprenant les chefs d’accusation pour lesquels la mise en accusation directe est demandée et se terminant par la formulation suivante :
- Je consens par les présentes à ce que cet acte d’accusation soit présenté conformément à l’article 577 du Code criminelNote de bas de page 6.
- Fait à Ottawa (Ontario), ce_____ jour de _____ , _____ .
- Directrice des poursuites pénales et sous-procureure générale du Canada
- Un bref exposé des faits démontrant qu’il existe une probabilité raisonnable de condamnation et que l’intérêt public serait mieux servi par la tenue d’une poursuite. S’il y a plusieurs accusés, l’exposé des faits doit établir clairement qu’il existe des éléments de preuve suffisants à l’égard de chacun d’eux. L’exposé des faits doit également mentionner :
- Communiquer cette note de service au PFC ou au PFCA.
- Déterminer si un avis aux termes de l’art. 13 de la Loi sur le directeur des poursuites pénales est approprié et à quel moment il devrait être donnéNote de bas de page 7, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire.
Le PFC ou le PFCA :
- Informe le directeur adjoint des poursuites pénales (DAPP) de son intention de procéder par voie de mise en accusation directe.
- Évalue la note de service préparée par les procureurs. S’il est convaincu qu’elle satisfait aux critères et que la mise en accusation directe est appropriée, il l’approuve et la soumet au DAPP.
Le DAPP :
- Évalue la note de service et procède à une évaluation objective de la demande. À ce titre, le DAPP exerce une fonction d’analyse critique.
- Indique au PFC ou au PFCA qu’aucune recommandation ne sera transmise à la DPP, s’il est d’avis que la mise en accusation directe n’est pas appropriée en l’occurrence.
- Approuve la recommandation et la soumet à la DPP, s’il est d’avis qu’une mise en accusation est appropriée en l’espèceNote de bas de page 8.
Les procureurs doivent consulter la DPP lorsqu’ils décident de procéder par mise en accusation directe et concluent qu’il y a lieu de retirer, de suspendre ou de réduire un ou plusieurs chefs d’accusation. Ces consultations devraient être faites par l’entremise du PFC.
4. Nouveau choix quant à la forme du procès
Lorsqu’on procède par voie de mise en accusation directe aux termes de l’art. 577 du Code criminel, l’accusé est réputé en vertu de l’art. 565(2) d’avoir choisi de subir son procès devant juge et jury. Toutefois, cette disposition confère à l’accusé le droit de changer ce choix pour être jugé par un juge sans jury. La procédure régissant l’exercice de ce droit est énoncée aux art. 565(3) et (4) ainsi que 561(6) et (7).
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