3.21 Accords de réparation
Guide du Service des poursuites pénales du Canada
Ligne directrice du directeur émises en vertu de l'article 3(3)(c) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales
Le 23 janvier 2020
Table des matières
1. Introduction
La partie XXII.1 du Code criminel (le Code) prévoit que le procureur général (PG) peut donner son consentement à la négociation d'un accord de réparation (ci-après AR) entre le poursuivant et l'organisation accusée d'avoir perpétré une infraction visée à l'annexe. Dans le cadre d'un tel accord, l'organisation accusée accepte de prendre des mesures précises en échange de la suspension de la poursuite engagée contre elle.
Plus fréquemment appelés « accords de poursuite suspendue » dans d'autres administrations, les accords de ce type sont utilisés, dans des affaires où les circonstances s'y prêtent, comme solution de rechange à une poursuite et comme moyen de tenir l'organisation responsable tout en mettant en place des mesures visant à atténuer le risque que d'autres infractions soient commises à l'avenir et à prévenir les torts qui pourraient être causés à de tierces parties, comme des employés, des victimes ou des investisseurs.
Le présent guide contient les critères sur lesquels se fonde le directeur des poursuites pénales (DPP), en sa qualité de sous‑procureur général du Canada, au moment d'établir s'il peut donner son consentement à la négociation d'un accord de réparation au titre de l'alinéa 715.32(1)d) du Code. Le présent guide fournit aussi la procédure que doit suivre l'avocat de la Couronne et les mandataires lorsqu'ils recommandent la négociation d'un AR ainsi que le processus de négociation d'un tel accord.
2. Énoncé de principe
Avant d'envisager un AR, le dossier doit atteindre le seuil d'une perspective raisonnable de condamnation. Un AR constitue une solution de rechange à une poursuite traditionnelle qu'il n'y a lieu d'appliquer que dans les cas où une poursuite est viable. Une fois le seuil respecté et que le procureur de la Couronne recommande une invitation à négocier un AR, le procureur général peut, au titre de l'article 715.32 du Code, exercer son pouvoir discrétionnaire, mais uniquement lorsque l'intérêt public permet de présenter une invitation à négocier un AR au lieu d'engager une procédure habituelle.
Le paragraphe 715.32(2) du Code fait état des facteurs à prendre en compte pour déterminer s'il est dans l'intérêt public de négocier un accord :
- les circonstances dans lesquelles l'acte ou l'omission à l'origine de l'infraction a été porté à l'attention des autorités chargées des enquêtes;
- la nature et la gravité de l'acte ou de l'omission ainsi que ses conséquences sur les victimes;
- le degré de participation des cadres supérieurs de l'organisation à l'acte ou à l'omission;
- la question de savoir si l'organisation a pris des mesures disciplinaires à l'égard de toute personne qui a participé à l'acte ou à l'omission, parmi lesquelles son licenciement;
- la question de savoir si l'organisation a pris des mesures pour réparer le tort causé par l'acte ou l'omission et pour empêcher que des actes ou omissions similaires ne se reproduisent;
- la question de savoir si l'organisation a identifié les personnes qui ont participé à tout acte répréhensible relatif à l'acte ou à l'omission ou a manifesté sa volonté de le faire;
- la question de savoir si l'organisation ou tel de ses agents ont déjà été déclarés coupables d'une infraction ou ont déjà fait l'objet de pénalités imposées par un organisme de réglementation ou s'ils ont déjà conclu, au Canada ou ailleurs, des accords de réparation ou d'autres accords de règlement pour des actes ou omissions similaires;
- la question de savoir si l'on reproche à l'organisation ou à tel de ses agents d'avoir perpétré toute autre infraction, notamment celles non visées à l'annexe de la présente partie;
- tout autre facteur qu'il juge pertinent.
Alors que tous les facteurs cités précédemment doivent être pris en compte, l'importance accordée à chacun peut varier selon l'affaire. Il est à noter que, dans le cas où l'organisation est accusée d'avoir perpétré une infraction visée par la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, le poursuivant ne doit pas prendre en compte les considérations d'intérêt économique national, les effets possibles sur les relations avec un État autre que le Canada ou l'identité des organisations ou individus en cause.
3. Procédure
Comme indiqué à l'article 715.32(1) du Code, on ne peut envisager un AR relativement à une infraction visée que s'il existe une perspective raisonnable de condamnation. En vue de déterminer si cette condition a été remplie, une enquête policière exhaustive est nécessaire. Le régime des AR ne modifie pas la manière d'enquêter les infractions criminelles. Les enquêtes internes ou privées de l'organisation ne sauraient remplacer la décision indépendante d'un organisme d'application de la loi de mener ou non une enquête liée à l'infraction et d'en évaluer les résultats, même si elle découle d'une divulgation volontaire.
Le procureur de la Couronne peut se voir suggérer de négocier un AR de différentes façons, notamment :
- par l'avocat de l'organisation dans le cadre d'une divulgation volontaire ou alors qu'elle est envisagée;
- par l'avocat de l'organisation pendant qu'un organisme d'application de la loi mène une enquête sur une infraction, dont l'organisation a connaissance, mais sans qu'une accusation n'ait été portée;
- par l'avocat de l'organisation suite au dépôt des accusations;
- par un organisme d'application de la loi avant l'enquête ou au cours de celle-ci.
Le procureur de la Couronne doit toujours se garder de communiquer son point de vue à l'égard de la possibilité d'une invitation à négocier un AR. Dans les cas de divulgation possible des infractions, le procureur de la Couronne doit renvoyer l'organisation ou son avocat à l'organisme d'application de la loi compétent. Le procureur de la Couronne doit toujours s'abstenir de formuler des commentaires au sujet d'une invitation à négocier un AR tant qu'une décision définitive n'a été prise à cet égard, conformément à la procédure énoncée dans la présente ligne directrice.
3.1. Bureaux régionaux
Lorsqu'un organisme d'application de la loi a mené une enquête et que le procureur de la Couronne est convaincu qu'il existe une perspective raisonnable de condamnation concernant une infraction visée à l'annexe et une organisation inculpée, il doit envisager l'éventuelle application du régime lié aux AR, conformément à la présente ligne directrice.
3.1.1. Sollicitation du consentement du PG
Si après avoir examiné l'enquête et conclu qu'il existe une perspective raisonnable de condamnation, le procureur de la Couronne est d'avis qu'une invitation à négocier un AR devrait être envisagée, il doit recommander au procureur fédéral en chef (PFC) de solliciter le consentement du PG.
Si le PFC est d'avis que la négociation d'un accord de réparation est dans l'intérêt public, il doit informer le directeur adjoint des poursuites pénales (DAPP) compétent de son intention de demander l'approbation du procureur général pour faire parvenir une invitation à négocier un accord de réparation et fournir à celui-ci une note juridique contenant une description et une analyse concise des éléments de preuve qui existent, précisant les raisons pour lesquelles ces éléments de preuve font qu'il existe une perspective raisonnable de condamnation de l'accusé pour chaque infraction et expliquant pourquoi il est dans l'intérêt public de négocier un accord de réparation plutôt que d'engager une poursuite.
La note juridique doit aussi exposer les raisons pour lesquelles la négociation d'un AR est demandée en donnant les références directes aux facteurs énoncés dans le Code et doit comprendre une évaluation raisonnée et objective des facteurs favorables à la négociation d'un accord et des facteurs défavorables.
3.1.2. Non-sollicitation du consentement du PG
Si le procureur de la Couronne, après avoir examiné l'enquête et conclu qu'il existe une perspective raisonnable de condamnation, est d'avis qu'une invitation à négocier un AR n'est pas opportune, il doit en aviser le PFC par écrit, lequel devra alors en faire part au DAPP en donnant un aperçu général du dossier et indiquant les raisons pour lesquelles un AR n'est pas recommandé.
3.2. Administration centrale
Si le PFC recommande la négociation d'un AR, le DAPP effectue une évaluation objective de la demande afin d'en établir le bien-fondé. Dans le cadre de ce rôle, le DAPP exerce une fonction d'analyse critique.
Si le DAPP convient qu'il est opportun de faire parvenir une invitation à négocier un AR, sa recommandation sera transmise au DPP qui, au nom du PG, tranchera de manière définitive cette question.
Si le DAPP conclut qu'il n'est pas approprié dans les circonstances de négocier un AR, il informe le PFC du fait qu'aucune recommandation de négociation ne sera pas transmise au DPP.
Si l'autorisation d'entamer la négociation d'un AR est donnée, il convient de suivre la procédure énoncée dans la section suivante. Dans le cas contraire, la procédure relative à la poursuite doit être engagée de la façon habituelle, selon les lignes directrices et les directives applicables.
4. Conduite des négociations
Lorsque le DPP a donné son approbation, la négociation de l'AR est confiée à l'avocat de la Couronne désigné à cette fin par celui-ci (avocat désigné).
L'avocat désigné doit examiner le dossier et faire parvenir une invitation écrite à négocier à l'organisation accusée, conformément à l'article 715.33 du Code. Les négociations avec l'organisation accusée doivent être menées par l'avocat désigné à titre de « poursuivant », comme le prévoient les dispositions de la Partie XXII.1 du Code.
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