5.7 Les poursuites pour conduite avec facultés affaiblies : l’avis de demande d’une peine plus sévère
Guide du Service des poursuites pénales du Canada
Ligne directrice du directeur donnée en vertu de l’article 3(3)(c) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales
Le 1 mars 2014
Table des matières
- 1. Introduction
- 2. Jeunes contrevenants
- 3. Signification d’un avis d’intention de demander une peine plus sévère
- 4. Preuve de la signification de l’avis d’intention de demander une peine plus sévère
- 5. Preuve du casier judiciaire du délinquant
- 6. Pratiques interdites
- 7. Exercice du pouvoir discrétionnaire
- 8. Absolution assortie d’un traitement curatif
1. Introduction
Le Code criminel prévoit des peines minimales dans les cas d’une deuxième infraction et d’infractions subséquentes de « conduite avec facultés affaiblies »
Note de bas de page 1. Les peines minimales obligatoires pour les infractions subséquentes ne peuvent être imposées que si le procureur de la Couronne prouve que l’accusé a reçu, avant d’enregistrer son plaidoyer, un avis qu’une peine plus sévère serait demandée en raison de ses condamnations antérieuresNote de bas de page 2.
La présente ligne directrice énonce la politique sur les demandes d’une peine plus sévère dans les cas d’une deuxième infraction et d’infractions subséquentes de conduite avec facultés affaiblies.
Les dispositions pertinentes du Code criminel prévoient ce qui suit :
255. (1) Quiconque commet une infraction prévue à l’article 253 ou 254 est coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou par mise en accusation et est passible :
- que l’infraction soit poursuivie par mise en accusation ou par procédure sommaire, des peines minimales suivantes :
- pour la première infraction, une amende minimale de mille dollars,
- pour la seconde infraction, un emprisonnement minimal de trente jours,
- pour chaque infraction subséquente, un emprisonnement minimal de cent vingt jours;
- si l’infraction est poursuivie par mise en accusation, d’un emprisonnement maximal de cinq ans;
- si l’infraction est poursuivie par procédure sommaire, d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois.
727. (1) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), lorsque le délinquant est déclaré coupable d’une infraction pour laquelle une peine plus sévère peut être infligée du fait de condamnations antérieures, aucune peine plus sévère ne peut lui être infligée de ce fait à moins que le poursuivant ne convainque le tribunal que le délinquant, avant d’enregistrer son plaidoyer, a reçu avis qu’une peine plus sévère serait demandée de ce fait.
2. Jeunes contrevenants
En règle générale, la présente ligne directrice ne s’applique pas à la détermination de la peine pour les adolescents en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA)Note de bas de page 3.
L’article 82(4) de la LSJPA interdit l’utilisation d’une déclaration de culpabilité imposée sous le régime de la LSJPA en tant que déclaration de culpabilité antérieure en vue de l’imposition d’une peine minimale obligatoire en cas de récidive.
Cependant, lorsque les circonstances prévues à l’art. 119(9)a) de la LSJPA sont réunies, la déclaration de culpabilité d’un adolescent en vertu de la LSJPA pour une infraction antérieure peut être prise en compte aux fins de l’imposition d’une peine minimale obligatoire à cette personne, en tant qu’adulte, en vertu de l’art. 255 du Code criminelNote de bas de page 4.
3. Signification d’un avis d’intention de demander une peine plus sévère
Le procureur de la Couronne devrait demander que la police s’assure qu’un avis de demande d’une peine plus sévère (l’avis
) a été signifié à l’accusé avant qu’il inscrive son plaidoyer dans tous les cas où l’accusé a déjà été déclaré coupable au sens de l’art. 255(4) du Code criminelNote de bas de page 5. Lorsque l’avis n’a pas été signifié et que l’accusé comparaît devant le tribunal en vue d’inscrire son plaidoyer, le procureur de la Couronne devrait donner un avis verbal de son intention de demander une peine plus sévère à l’accusé en cour et s’assurer de faire consigner cet avis verbal au dossier de la cour.
4. Preuve de la signification de l’avis d’intention de demander une peine plus sévère
En l’absence des circonstances exceptionnelles ou impérieuses décrites ci-dessous, le procureur de la Couronne doit prouver que l’avis a été signifié.
Le procureur de la Couronne peut exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas faire la preuve de la signification de l’avis, sous réserve des lignes directrices relatives à l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire énoncées à la partie 7 de la présente ligne directrice, lorsque l’accusé a une condamnation antérieure qui a eu lieu plus de cinq années avant la perpétration de l’infraction dont il est question.
Dans toutes les autres circonstances, le procureur de la Couronne doit demander au procureur fédéral en chef de fournir son consentement à ce que l’avis ne soit pas signifié. Le procureur fédéral en chef peut exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas prouver la signification de l’avis conformément aux lignes directrices énoncées à la partie 7 de la présente ligne directrice.
Dans tous les cas où le procureur fédéral en chef donne son consentement à ce que l’avis ne soit pas signifié, une note indiquant les motifs de cette décision doit être ajoutée au dossier de la poursuite.
5. Preuve du casier judiciaire du délinquant
Dans les cas où une infraction prévue aux art. 253 ou 254 du Code criminel est commise, peu importe si la signification de l’avis a été prouvée, le procureur de la Couronne doit faire la preuve du casier judiciaire.
Selon les circonstances, le procureur de la Couronne devrait envisager de soumettre que, conformément aux principes de détermination de la peine du Code criminel :
- la cour peut prendre en considération le casier judiciaire de l’accusé afin d’imposer une peine appropriée, que la signification de l’avis ait été prouvée ou nonNote de bas de page 6;
- la jurisprudence pertinente en matière de peines signale que la peine minimale est inadéquate;
- la preuve que l’alcoolémie dans le sang du délinquant au moment de la commission de l’infraction excédait cent soixante milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang constitue un facteur aggravant, en application de l’art. 255.1 du Code criminel;
- l’accusé ne doit pas être traité moins sévèrement que d’autres dans les mêmes circonstances; et
- il serait inapproprié de traiter l’accusé comme l’auteur d’une première infraction.
6. Pratiques interdites
Les pratiques suivantes sont inacceptables :
- faire la preuve de la signification de l’avis et du casier judiciaire et ensuite, aviser la cour que le procureur de la Couronne ne se fonde que sur une partie du casierNote de bas de page 7;
- faire la preuve de la signification de l’avis et seulement une partie du casier judiciaireNote de bas de page 8;
- faire la preuve de la signification de l’avis seulement afin d’empêcher la cour de considérer les dispositions du Code criminel relatives à une condamnation avec sursis. Le fait qu’une condamnation avec sursis puisse être imposée n’est pas un facteur qui doit être pris en compte lorsqu’on détermine si le procureur de la Couronne doit prouver la signification de l’avis.
7. Exercice du pouvoir discrétionnaire
Dans les situations où il est question du pouvoir discrétionnaire prévu à la partie 4 de la présente ligne directrice, il faudra déterminer dans tous les cas s’il faut faire la preuve de la signification en tenant compte de toutes les circonstances de l’infraction et du contexte et de la situation du délinquant et en général, des intérêts de l’administration de la justice.
La preuve de la signification de l’avis devra généralement être faite dans les situations suivantes :
- l’infraction dont il est question a causé la mort, un accident grave ou des blessures dont l’accusé est responsable, ce qui indique que la peine doit avoir des fonctions de dissuasion spécifique et générale, pendant au moins la période minimale qui suivrait normalement la preuve de la signification de l’avis;
- le degré d’intoxication et la nature de la conduite du véhicule à moteur, du bateau, de l’aéronef ou du matériel ferroviaire ont démontré un risque considérablement accru de blessures corporelles ou de dommages aux biens;
- l’accusé a déjà été incarcéré pour une infraction de même nature;
- il existe des preuves selon lesquelles l’alcoolémie dans le sang du délinquant dépassait, au moment de la perpétration de l’infraction, cent soixante milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang (une circonstance aggravante pour la détermination de la peine aux termes de l’art. 255.1 du Code criminel);
- l’accusé a tenté d’échapper à la police au cours de la perpétration de l’infraction en cause ou par la suite.
Le procureur de la Couronne, et le procureur fédéral en chef au besoin, peuvent décider de ne pas faire la preuve de la signification de l’avis en présence de facteurs exceptionnels ou impérieux. Lorsqu’ils déterminent s’il existe des « circonstances exceptionnelles ou impérieuses »
qui peuvent justifier le fait de ne pas prouver la signification de l’avis en cour, le procureur de la Couronne, et le procureur fédéral en chef, peuvent tenir compte de facteurs comme :
- une victime qui sera particulièrement traumatisée ou victimisée de nouveau si elle témoigne en cour;
- la nature historique des condamnations antérieures et des périodes de sobriété;
- le nombre total de condamnations antérieures pour des infractions connexes;
- les peines antérieures et leur effet sur le délinquant;
- la situation personnelle du délinquant en ce qui a trait à l’intérêt public à l’égard de la poursuite en fonction de l’avis, notamment :
- l’emploi;
- l’âge;
- la santé physique ou mentale du délinquant, ou son infirmité;
- le nombre de personnes à charge et les conséquences de la peine sur chacune d’elles;
- l’attitude du délinquant par rapport à l’infraction;
- le programme de traitement de l’alcoolisme suivi par le délinquant depuis la perpétration de l’infraction;
- l’acceptation par le délinquant de la responsabilité de l’infraction;
- le niveau de risque posé par l’accusé en fonction de son casier judiciaire et plus particulièrement, du dossier de conduite avec facultés affaiblies du délinquant;
- le statut autochtone du délinquant, l’art. 718.2e) du Code criminel et les facteurs Gladue;
- la possibilité d’imposer une absolution assortie d’un traitement curatif du délinquant et le caractère approprié de celle-ci.
8. Absolution assortie d’un traitement curatif
L’article 255(5) du Code criminelNote de bas de page 9 permet au tribunal, au lieu de déclarer un délinquant coupable d’une infraction prévue à l’art. 253, de l’absoudre en vertu de l’art. 730 dans les circonstances suivantes :
- la personne a besoin de suivre une cure de désintoxication;
- cela ne serait pas contraire à l’ordre public.
Une absolution assortie d’un traitement curatif peut être accordée dans les circonstances limitées où le délinquant a besoin de suivre un traitement curatif et que sa réadaptation est probable. Lorsqu’il détermine si un traitement curatif est dans l’intérêt public, le procureur de la Couronne doit tenir compte de facteurs tels queNote de bas de page 10:
- les circonstances de l’infraction, notamment s’il s’agit d’un accident ayant causé la mort ou des blessures graves;
- la motivation du délinquant à titre d’indicateur du bénéfice probable du traitement;
- la disponibilité et la qualité des établissements de traitement proposés et la capacité du participant de réussir le programme;
- la probabilité que le traitement sera efficace et que le délinquant ne conduira plus un véhicule à moteur en état d’ébriété;
- le casier judiciaire et, plus particulièrement, le dossier de conduite avec facultés affaiblies du délinquant en tant qu’indication de sa capacité à modifier son comportement.
Le délinquant sera tenu de présenter une « preuve médicale ou autre »
lors de l’audience de détermination de la peine, ce qui a été interprété comme exigeant le témoignage d’un [traduction] « expert qualifié pour donner un témoignage d’opinion concernant la maladie et la motivation du délinquant et sa réceptivité au traitement curatif »
Note de bas de page 11.
Lorsque le délinquant cherche à obtenir une absolution assortie d’un traitement curatif, le procureur de la Couronne doit prouver que l’avis a été signifié, s’il y a lieu. Si la cour refuse d’accorder l’absolution assortie d’un traitement curatif, la disposition relative à la peine minimale obligatoire s’appliquera.
Lorsque l’infraction a causé la mort ou des blessures graves, le procureur de la Couronne peut faire des représentations à l’appui d’une absolution assortie d’un traitement curatif seulement si le procureur fédéral en chef a donné son approbation.
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