Partie V LA PROCÉDURE AU PROCÈS ET EN APPEL Chapitre 20
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Table des matières
- 20 NÉGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET DE PEINE ET POURPARLERS DE RÈGLEMENT
- 20.1 INTRODUCTION
- 20.2 ÉNONCÉ DE PRINCIPE
- 20.3 LIGNES DIRECTRICES POUR L'APPLICATION DE LA POLITIQUE
20 NÉGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET DE PEINE ET POURPARLERS DE RÈGLEMENT
20.1 Introduction
Les discussions qui ont lieu entre le procureur de la Couronne et l’avocat de la défense en vue de restreindre le débat lors du procès ou qui peuvent même éviter les litiges inutiles, représentent un élément important, voire nécessaire, du système de justice pénaleNote de bas de page 1. Dans le présent chapitre, les discussions de cette nature seront appelées la « négociation de plaidoyer
»Note de bas de page 2. Bien qu’elle ne soit pas définie dans le Code criminel, la négociation de plaidoyer englobe plusieurs pratiques, notamment les chefs d’accusation à l’égard desquels l’accusé est susceptible d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité, la procédure à suivre, la peine qui devrait être infligée, les faits de l’infraction aux fins de l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité et, si le dossier est soumis à procès, comment ces questions peuvent être restreintes afin d’accélérer le procès. Les procureurs doivent s’efforcer de s’entendre le plus tôt possible au sujet de ces questions ; cependant, il convient de signaler que les recommandations faites à la cour dans le cadre de la négociation sur le plaidoyer ou sur la peine sont subordonnées au pouvoir discrétionnaire prépondérant de la cour d’accepter ou de refuser les recommandations du procureurNote de bas de page 3.
20.2 Énoncé de principe
L’approche du procureur de la Couronne à la négociation de plaidoyer doit reposer sur plusieurs principes fondamentaux , savoir l’équité, la transparence, l’exactitude, l’absence de discrimination et l’intérêt du public à ce que le droit pénal soit appliqué de façon efficace et cohérente.
Le procureur de la Couronne peut participer aux négociations de plaidoyer dans les situations suivantes :
- le dossier respecte la norme approuvée pour porter des accusations énoncée dans la Partie V, chapitre 15, «
La décision d’intenter des poursuites
» ; - l’accusé est prêt à reconnaître sans équivoque sa culpabilité ;
- l’accusé consent volontairement et en connaissance de cause à enregistrer un plaidoyer de culpabilité.
En raison de l’importance de ces négociations, le procureur de la Couronne doit consigner par écrit les offres faites ou les accords conclus.
20.3 Lignes directrices pour l’application de la politique
Les pratiques relatives à la négociation de plaidoyer varient selon les administrations. Les lignes directrices qui suivent ne visent pas à fixer des modalités obligatoires. Au contraire, elles tentent de guider les procureurs de la Couronne sur la façon de procéder à des négociations fructueuses.
20.3.1 Négociations sur les accusations à porter
Les négociations sur les accusations à porter peuvent englober les aspects suivants :
- la réduction d’une accusation à une infraction moindre ou incluseNote de bas de page 4 ;
- le retrait ou l’arrêt d’autres accusations ;
- le consentement à ne pas donner suite à une accusation ou à arrêter les poursuites contre d’autres personnes (par exemple, des amis ou des membres de la famille de l’accusé, ou des dirigeants de sociétés commerciales) ;
- le consentement à fondre des accusations en une seule accusation globale (lorsque la loi le permet) ;
- le consentement au retrait de certains chefs d’accusation et au maintien de ceux qui restent, tout en utilisant les faits matériels sur lesquels reposaient les chefs d’accusation retirés comme circonstances aggravantes aux fins de la peineNote de bas de page 5. (Toutefois, on ne peut le faire lorsque les chefs d’accusation qui devraient être retirés sont des accusations graves non liées aux accusations à l’égard desquelles l’accusé enregistre un plaidoyer de culpabilitéNote de bas de page 6.)
Les pratiques suivantes sont inacceptables
- porter ou autoriser des accusations additionnelles mais superflues pour forcer une négociation de plaidoyer ;
- accepter un plaidoyer de culpabilité à l’égard d’une infraction dont l’existence n’est pas révélée par la preuve ;
- accepter un plaidoyer de culpabilité à une accusation qui ne reflète pas adéquatement la gravité de la conduite reprochée à l’accusée, sauf si, dans des circonstances exceptionnelles, le plaidoyer se justifie au point de vue de l’avantage qu’en retirera l’administration de la justice, la protection de la société ou la protection de l’accusé.
20.3.2 Négociations sur la procédure à suivre
Les négociations sur la procédure à suivre peuvent porter sur les éléments suivants :
- accepter de procéder par procédure sommaire et non par mise en accusation ;
- accepter de régler le dossier à une date ultérieure spécifiée, contre renonciation, consignée au procès-verbal d’audience, du droit de l’accusé de subir son procès dans un délai raisonnable ;
- accepter le transfert de dossier d’une province ou d’un territoire à un autre ou entre circonscriptions territoriales situées à l’intérieur de la province ou du territoireNote de bas de page 7.
20.3.3 Négociations sur la peine à infliger
20.3.3.1 Portée des négociations sur la peine à infliger
Les négociations sur la peine peuvent porter sur les éléments suivants :
- la recommandation par le procureur de la Couronne d’une échelle de peines ou d’une peine spécifique ;
- une recommandation conjointe d’une échelle de peines ou d’une peine spécifique ;
- une entente selon laquelle le procureur de la Couronne ne s’opposera pas à la recommandation au sujet de la peine faite par la défense et annoncée à l’avanceNote de bas de page 8 ;
- l’assurance de la part du procureur de la Couronne qu’il ne demandera pas l’imposition de peines facultatives additionnelles (notamment une ordonnance d’interdiction, la détention préventive ou la confiscation). Cependant, le procureur de la Couronne ne peut négocier les peines qui s’appliquent du seul effet de la loiNote de bas de page 9 ;
- l’assurance de la part du procureur de la Couronne qu’il ne demandera pas une peine plus sévère en faisant signifier un avis d’intention de demander une peine plus sévèreNote de bas de page 10 ;
- l’assurance de la part du procureur de la Couronne qu’il ne s’opposera pas à ce qu’une peine discontinue soit imposée au lieu d’une peine continue ;
- les conditions à prévoir dans une condamnation avec sursis.
La pratique suivante est inacceptable :
- une promesse faite à l’avance de ne pas en appeler de la peine imposée à l’issue du procès.
20.3.3.2 Négociations sur les modalités de la peineNote de bas de page 11
Les principes suivants doivent guider l’approche du procureur de la Couronne aux négociations sur les modalités de la peine :
- en raison de l’avantage que peut retirer l’administration de la justice des plaidoyers de culpabilité, le procureur de la Couronne devrait s’efforcer de faire la meilleure offre possible à l’accusé dès que cela s’avère pratiqueNote de bas de page 12. À moins de changement important dans les circonstances du cas, l’offre ne devrait pas être répétée à une étape ultérieure du processusNote de bas de page 13 ;
- le procureur de la Couronne devrait lancer les négociations de plaidoyer et y répondre ;
- le procureur de la Couronne chargé des négociations sur la peine doit avoir le pouvoir de conclure un accord qui lie les partiesNote de bas de page 14 ;
- les directeurs du SFP doivent s’assurer qu’un procureur est disponible pour mener des négociations sur le plaidoyer et sur la peine, par exemple au tribunal où l’accusé fait sa première comparution ;
- si un accusé change d’avocat, le procureur de la Couronne devrait informer le nouvel avocat de l’accusé des offres faites et de la position de la Couronne.
- Avant de recommander au tribunal d'imposer une amende, le procureur de la Couronne doit prendre tous les moyens nécessaires pour s'assurer que l'amende constitue la mesure appropriée. Pour cela, il devra nécessairement juger si le délinquant est en mesure de payer l'amende. S'il est en mesure de payer, le procureur de la Couronne doit prendre avec la défense, à l'issue des négociations visant à régler le dossier au moyen d'une amende, les dispositions nécessaires pour que celle-ci soit payée le jour de la détermination de la peine; si le montant à payer n'est pas disponible immédiatement mais qu'il le sera dans un proche avenir, le procureur de la Couronne devra demander que les procédures de détermination de la peine aient lieu le même jour.
20.3.4 Accord au sujet des faits de l’infraction
Lorsque l’accusé décide d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité, le procureur de la Couronne devrait convenir de soumettre à la cour les faits qui auraient pu être prouvés par des preuves admissibles si le dossier avait été soumis à procès. Les négociations sur les faits de l’infraction peuvent porter sur les éléments suivants :
- accepter de ne pas révéler au tribunal, dans le cadre des observations, des faits embarrassants qui ont peu ou pas d’importance à l’égard de l’accusation ;
- accepter d’utiliser un exposé conjoint des faits.
Les pratiques suivantes sont inacceptables :
- une entente sur les faits dont le résultat est d’induire la cour en erreur ou qui donne l’impression d’induire la cour en erreur, notamment :
- une entente pour cacher au tribunal une partie du casier judiciaire de l’accusé, alors qu’elle serait pertinente ou susceptible d’éclairer le tribunal ;
- une entente pour ne pas informer le tribunal de toute l’étendue du préjudice ou des dommages subis par la victime ;
- une entente pour priver le tribunal de certains faits pertinents qui peuvent être établis et qui ajoutent à la gravité de l’infraction ;
- une entente pour exposer au tribunal des faits qui, en regard des éléments constitutifs de l’infraction à laquelle l’accusé a plaidé coupable, amèneraient le juge à rejeter le plaidoyer de culpabilité en faveur d’un plaidoyer de non-culpabilité.
20.3.5 Conférences avant procèsNote de bas de page 15
Conformément au paragraphe 625.1(2) du Code criminel, la conférence préparatoire au procès est obligatoire dans les cas de procès par jury. Les conférences avant procès peuvent également avoir lieu devant un juge ou un juge de paix, conformément au paragraphe 625.1(1). Un système de conférence préparatoire au procès sous la surveillance des juges existe désormais dans bon nombre d’administrations.
Les conférences avant procès sous la surveillance des juges constituent maintenant une procédure bien ancrée et elles sont une facette importante de notre système de justice pénale. Elles sont efficaces non seulement en vue de favoriser le règlement équitable des causes sans procès, mais également pour circonscrire les questions dans les cas soumis à procès. Les procureurs de la Couronne sont encouragés à prendre les mesures raisonnables pour s’assurer que ces conférences se déroulent de façon ordonnée, ce qui peut comprendre :
- veiller à ce que la preuve soit divulguée à la défense dans une mesure suffisante avant la conférence préparatoire au procès ;
- rencontrer l’avocat de la défense avant la conférence préparatoire au procès ;
- tenter de garantir la présence d’un enquêteur chargé du dossier lorsque cette présence serait utile ou nécessaire ;
- faire des démarches auprès des administrateurs de la cour pour fixer une conférence préparatoire au procès lorsque la cour ne l’a pas fait ;
- cerner avant la conférence préparatoire au procès les domaines où une entente est possible sur les questions qui auraient pour effet de raccourcir les procédures.
20.3.5.1 Circonscrire les questions abordées lors du procès
Dans les cas soumis à procès, il incombe au procureur de la Couronne de tenter de circonscrire autant que faire se peut les questions abordées lors du procès. À cette fin, le procureur de la Couronne doit :
- cerner les questions juridiques susceptibles d’être soulevées et demander la position de la défense à l’égard de ces questions ;
- plus particulièrement, cerner les questions à l’égard desquelles l’avocat de la défense est susceptible de faire des admissions, notamment le voir-dire sur l’admissibilité des déclarationsNote de bas de page 16 ;
- déterminer les témoins dont le témoignage pourrait ne pas être nécessaire afin d’éviter de délivrer des assignations à comparaître inutiles.
20.3.6 Accusé non représenté
La négociation d’un plaidoyer ou d’une peine avec un accusé non représenté exige une extrême prudence. De façon générale, le procureur de la Couronne ne devrait pas entreprendre lui-même des négociations avec un accusé non représenté, mais si l’accusé fait les premiers pas, le procureur peut procéder à des négociations conformément à la présente politique. Il est essentiel que ces négociations n’aient lieu que dans les cas où l’accusé agit clairement de façon volontaireNote de bas de page 17. En vertu du paragraphe 606(1.1) du Code criminel, le tribunal doit être convaincu que le prévenu fait volontairement et en toute connaissance de cause un plaidoyer de culpabilité.
Le procureur de la Couronne devrait tout d’abord encourager l’accusé à retenir les services d’un avocat et, lorsqu’il y a lieu, informer l’accusé de la possibilité de recourir à l’aide juridique. Si l’accusé refuse de retenir les services d’un avocat, le procureur de la Couronne devrait s’assurer, en règle générale, de la présente d’une tierce personne pendant les négociations, vu la nécessité de garder ses distances avec un accusé. Il y a lieu de conserver un compte-rendu détaillé de toutes les discussions. Dans la plupart des cas, il conviendra d’obtenir une entente par écrit ou une preuve écrite de l'ententeNote de bas de page 18. Lorsque la cause est réglée conformément à un plaidoyer négocié ou à une entente au sujet de la peine, le procureur de la Couronne devrait informer le juge de l’existence de l’entente et lui signaler que l’accusé a été encouragé à retenir les services d’un avocat, mais qu’il a refusé de le faire.
Le procureur de la Couronne ne devrait pas engager de négociations au sujet du plaidoyer ou de la peine avec un accusé non représenté, à moins d’être convaincu que l’accusé a reçu l’entière communication de la preuve ou qu’il connaît son droit à la communication complèteNote de bas de page 19.
20.3.7 Exactitude
Le procureur de la Couronne devrait consigner au dossier un compte-rendu complet de toutes les négociations ou ententes portant sur le plaidoyer et la peine. Cette procédure favorisera une pratique cohérente et bien éclairée.
20.3.8 Transparence et équité
Les principes généraux de transparence et d’équité s’appliquent à toutes les formes de négociations analysées ci-dessus. Les deux principes sont expliqués ci-après.
20.3.8.1 Transparence
Le procureur de la Couronne devrait, lorsque cela est raisonnablement possible, demander et soupeser les opinions des personnes qui participent à la poursuite – plus particulièrement la victime, le cas échéant et l’organisme d’enquête. Cependant, une fois la consultation terminée, il incombe au procureur de la Couronne d’évaluer s’il convient de conclure une entente sur le plaidoyerNote de bas de page 20. S’il y a une entente, le procureur doit tenter de s’assurer que les victimes et les organismes d’enquête comprennent la teneur de l’entente ainsi que le raisonnement qui la sous-tend. Le respect de la vie privée ou la nature délicate de certaines informations peuvent exceptionnellement limiter, dans l’intérêt de l’accusé ou du public en général, l’obligation d’informer la victime ou les enquêteurs.
Lorsqu’il y a entente sur le plaidoyer ou sur la peine, le procureur devrait formellement présenter la proposition au juge du procès, en audience publique. Dans certains cas, il peut s’avérer nécessaire de discuter de certains aspects de l’entente avec le juge en privé. Cela ne devrait se faire que dans des situations exceptionnelles et contraignantes qui mettent en cause des faits qui, dans l’intérêt du public ou de l’accusé, ne devraient pas être divulgués publiquement. À titre d’exemple, on peut mentionner le cas où l’accusé souffre d’une maladie incurable, ou encore celui où l’accusé a agi comme indicateurNote de bas de page 21. Toutefois, il est inacceptable de discuter d’une entente sur plaidoyer, en privé avec le juge, avant l’audience, pour voir sa réactionNote de bas de page 22. Cela n’empêche pas cependant la participation de l’avocat à une conférence avant procès tenue conformément à l’article 625.1 du Code criminel. L’avocat peut diriger les procédures relatives à la peine devant le juge qui préside la conférence avant procès.
20.3.8.2 Équité
Toutes les ententes au sujet du plaidoyer ou de la peine devraient être respectées par la Couronne, à moins que ce ne soit clairement contraire à l’intérêt public. À titre d’exemple, le procureur de la Couronne ne doit pas donner suite à une entente s’il a des motifs de croire que les critères énoncés à la Partie V, chapitre 15, « La décision d’intenter des poursuites
», ne sont pas respectées. De plus, le procureur de la Couronne pourrait être justifié de refuser de respecter une entente s’il a été induit en erreur lors des négociations au sujet des faits matériels. La décision de ne pas respecter une entente ne devrait être prise qu’après avoir consulté le directeur régional principal et obtenu son approbation.
De même, si un procureur est en désaccord avec une entente déjà négociée par un collègueNote de bas de page 23, il la soumet au directeur du SFP ou au directeur régional principal, si la question ne peut être réglée entre collègues.
Si l’accusé enregistre un plaidoyer de culpabilité reposant sur une négociation de plaidoyer ou de peine et que la cour entérine l’entente conformément aux modalités de celle-ci, il ne peut être interjeté appel de cette entente, sauf dans des circonstances exceptionnellesNote de bas de page 24, pourvu que le directeur régional principal autorise l’appel, après avoir consulté le sous-procureur général adjoint (droit pénal).
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