Partie III PRINCIPES RÉGISSANT LA CONDUITE DES PROCUREURS DE LA COURONNE Chapitre 10
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Table des matières
10 LES COMMUNICATIONS AVEC LES MÉDIAS
10.1 Introduction
L’obligation d’informer la population est une composante essentielle d’un système de justice juste et équitable. Au mois de février 1998, la ministre de la Justice a confirmé ce principe en déclarant publiquement que le ministère de la Justice s’était donné pour priorité de rétablir la confiance à la population dans le système de justice pénale.
Pour que la population ait confiance du public dans l’administration de la justice, il faut qu’elle dispose d’une information complète et exacte sur les procédures judiciaires. Si les représentants des médias sont mal informés, ils risquent de diffuser un message erroné, ce qui peut saper la confiance du public.
Lorsque les avocats de la Couronne fournissent l’information appropriée, ils contribuent à faire en sorte que la population ait la possibilité de juger de l’efficacité du système de justice.
Par le passé, les communications avec les médias étaient essentiellement confiées à des porte-parole officiels. Les avocats de la Couronne, qui sont le mieux en mesure de fournir les renseignements demandés, devraient pouvoir répondre directement à la presse de manière à assurer que le public reçoive une information exacte.
10.2 Énoncé de la politique
Sous réserve de l’obligation prépondérante d’administrer la justice de façon à assurer un procès équitable, les avocats de la Couronne sont encouragés à fournir aux médias une information opportune, complète et précise au sujet de questions touchant l’administration de la justice pénale auxquelles participe le Procureur général du Canada.
La politique vise à promouvoir la compréhension et la confiance du public en l’administration de la justice en donnant des renseignements disponibles. Les avocats de la Couronne doivent répondre à toute demande raisonnable à cet égard.
10.3 Portée de la politique
10.3.1 Lien avec la politique du Ministère
La présente politique vise à compléter la Politique des relations avec les médias du ministère de la JusticeNote de bas de page 1, et doit être lue parallèlement à cette dernière. Cette politique vise à donner des lignes directrices précises aux avocats poursuivants. Comme toutes les autres politiques contenues dans ce Guide, cette politique s’applique aussi aux mandataires de la Couronne.
10.3.2 Genres de communication
10.3.2.1 Contacts établis par les médias
La présente politique régit autant les contacts établis par les médias que les contacts établis par les avocats de la Couronne. Dans le premier cas, des représentants des médias peuvent demander de l’information en personne (p. ex., en interrogeant les avocats à l’extérieur de la salle d’audience), au téléphone ou par courrier électronique. Dans de telles situations, il se peut que les avocats de la Couronne n’aient pas l’occasion de consulter d’autres personnes avant de répondre à la question.
10.3.2.2 Contacts établis par les avocats de la Couronne
Il se peut que les avocats de la Couronne sentent le besoin de rectifier des faits inexacts ou fournir de l’information sans qu’il y ait eu de demande de la part des médias. On pourrait, par exemple, envoyer une lettre au courrier du lecteur d’un journal, distribuer un document ou une fiche de renseignements, diffuser un communiqué ou tenir une conférence de presse. Dans de tels cas, les avocats de la Couronne doivent consulter un haut gestionnaire, par exemple, le chef de la Section des poursuites ou le directeur régional et/ou la Direction des communications du Ministère, tant pour ce qui est du choix du véhicule approprié de communication que pour ce qui est du contenu.
Les avocats de la Couronne peuvent envisager de telles mesures dans les cas où les procédures sont arrêtées ou encore lorsque des accusations sont retirées. Dans certaines circonstances, une déclaration au tribunal peut constituer le meilleur véhicule de communication.
10.3.3 Communications qui ont lieu avant que des accusations soient portées
Il peut arriver que les médias cherchent à savoir si les policiers font enquête sur un individu ou si des accusations seront portées, avant même que ces accusations soient effectivement portées. La pratique établie de longue date au Ministère veut que l’on ne confirme ni ne démente de telles allégations. Le fait de démentir qu’une enquête est en cours puis, par la suite de refuser de faire des commentaires est aussi révélateur qu’une affirmation. De plus, il est important de ne pas faire de commentaires pour ne pas nuire à une enquête en cours. Lorsque de telles questions sont posées, il faut répondre que le Procureur général du Canada ne fait aucun commentaire public concernant de telles affaires.
10.3.4 Communications personnelles avec les médias
Les avocats de la Couronne, comme tous les autres employés du Ministère, sont soumis à certaines contraintes pour ce qui est des communications qu’ils ont avec les médias à titre personnel. Ils ne doivent pas faire de déclaration qui :
- compromettrait leurs capacités d’accomplir leur travail à l’avenir; par exemple, un procureur qui déclare que les lois canadiennes relatives aux drogues sont «
immorales
»; - minerait le respect du public à l’égard de l’administration de la justice ou la confiance de la population dans les institutions judiciaires, par exemple, le commentaire ou la critique publique de la décision rendue par un juge dans une autre affaire, d’une manière qui entraînerait l’une ou l’autre des conséquences susmentionnées;
- constituerait un manquement au code de conduite professionnelle;
- constituerait une opinion sur des questions d’intérêt public, lorsque l’opinion est sollicitée ou pertinente principalement en raison du fait que la personne est un avocat de la Couronne.
10.4 Application de la politique
10.4.1 Principes directeurs
Les principes généraux qui suivent sont destinés à orienter les avocats de la Couronne dans leurs communications avec les médias :
- Exposer des faits, pas des opinions - Les avocats de la Couronne doivent fournir de l’information et des explications. Il doivent s’abstenir d’exprimer leurs opinions personnelles au sujet de décisions des tribunaux, des lois ou des politiques gouvernementales. Il s’agit ici de faire comprendre et non de faire sensation.
- Faire des déclarations officielles - Toutes les communications avec les médias doivent être publiques. Les avocats de la Couronne doivent tenir pour acquis que tout ce qu’ils disent aux journalistes peut être publié avec mention de leur nom.
- Respecter les besoins des journalistes - Il faut reconnaître que les journalistes doivent faire leur travail, peu importe que vous les aidiez ou non. Comme ils iront au fond de l’histoire, il est en général préférable de répondre à leurs questions. Il importe également de ne pas oublier les heures de tombée des journalistes lorsque l’on prépare ses réponses.
- Être réceptif - «
Pas de commentaires
» ne constitue pas une réponse acceptable à une demande d’information. Si l’on ne peut pas répondre à une question parce qu’elle demande une opinion, invite à faire des observations sur des questions examinées par les tribunaux ou qu’elle vise à confirmer le déroulement d’une enquête policière, il faut expliquer à l’auteur de la demande pourquoi la réponse recherchée serait inappropriée. - Éduquer le public - Les médias et le grand public peuvent ne pas comprendre les complexités du système de justice. Les avocats de la Couronne doivent expliquer clairement certains aspects du système, par exemple, le rôle du poursuivant ou le processus d’appel.
- Faire des déclarations opportunes - Si les renseignements erronés ne sont pas corrigés, ils nuiront à la perception que l’on a du système. Il faut chercher à éviter de faire des déclarations publiques inexactes; pour ce faire, on fournira de l’information en temps voulu, en respectant dans la mesure du possible les échéances des journalistes. S’il y a lieu de faire une déclaration après la parution d’un article trompeur ou inexact, un représentant de la Couronne doit le faire dans les plus brefs délais.
- Protéger l’intégrité du procès - Il faut éviter de faire des commentaires qui portent atteinte au droit d’un accusé à un procès équitable. Les avocats du procureur général ne doivent pas présenter leurs arguments dans les médias.
10.4.2 Orientation précise
Les sections qui suivent se veulent un guide non exhaustif de la façon d’appliquer les principes généraux ci-dessus.
10.4.2.1 Communication de renseignements factuels
Les avocats de la Couronne peuvent fournir des faits, non des opinions, au sujet de ce qui suit :
- les affaires dont sont saisis les tribunauxNote de bas de page 2;
- les politiques en matière de poursuites dans ce Manuel (p. ex., expliquer le critère de la probabilité raisonnable d’une condamnation, qui est prévu par la politique sur la décision d’intenter des poursuites);
- le processus, le droit substantif et la procédure en matière de droit pénal;
- les rouages du système de justice pénale;
- le rôle des procureurs dans le système;
- la signification d’une décision du tribunal, en s’abstenant de dire si cette décision est «
bonne
» ou «mauvaise
»; - le rôle et les responsabilités du procureur général et du ministre de la Justice.
10.4.2.2 Renseignements qui ne peuvent être communiqués
Les avocats de la Couronne doivent s’abstenir de faire des commentaires sur ce qui suit :
- les renseignements confidentiels;
- les avis donnés au procureur général, à ses collègues, à des fonctionnaires étrangers ou aux membres d’un organisme d’enquête, ou les discussions tenues avec ceux-ci, que ces avis ou ces discussions soient confidentiels ou non;
- toute information dont la divulgation est interdite par la loi (p. ex., en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou de la Loi sur les jeunes contrevenants) ou qui fait l’objet d’une ordonnance de non-publication;
- les politiques, procédures ou décisions des organismes d’enquête (les demandes de renseignements à ces égards doivent être renvoyées à l’organisme d’enquête);
- le déroulement d’un processus de négociation de plaidoyer ou la possibilité d’un plaidoyer de culpabilité ou autre règlement.Note de bas de page 3
10.4.2.3 Expression d’une opinion personnelle
Les procureurs doivent s’abstenir de faire des suppositions ou d’exprimer leur opinion personnelle sur ce qui suit :
- le bien-fondé ou l’efficacité des politiques, programmes et lois des gouvernements fédéral ou provinciaux;
- la possibilité que des accusations soient portées;
- la force, ou la faiblesse, de la preuve présentée par la Couronne ou la défense pendant le procès;
- l’à-propos des instructions d’un juge au jury, certaines décisions, le verdict d’un jury, la peine ou tout commentaire exprimé par le juge;
- la question de savoir si l’affaire devra faire l’objet d’un appel (on peut toutefois expliquer le processus d’examen à cet égard);
- la culpabilité ou la non-culpabilité d’un accusé.
10.4.2.4 Renvoi des demandes
S’ils ont des doutes au sujet d’une demande de renseignements de la part des médias, les avocats de la Couronne devraient refuser de répondre immédiatement, expliquer la raison de leur refus et demander conseil au directeur du SFP ou au directeur régional. De plus, les procureurs peuvent préférer renvoyer les questions aux porte-parole désignés ou à la Division des relations publiques, relations avec les médias et analyse de la Direction des communications. Dans tous les cas, un conseiller en relations avec les médias devrait être informé de la demande de renseignements. Il sera souvent recommandé de renvoyer la question à une autre personne dans les cas où : a) l’affaire est particulièrement controversée; b) un porte-parole désigné a déjà traité des questions provenant des médias sur le même sujet; c) l’affaire comprend des questions de sécurité, comme par exemple la sécurité personnelle du procureur de la Couronne.
10.5 Réponses internes aux demandes de renseignements des médias
Les avocats de la Couronne doivent informer le chef du groupe des poursuites au sujet de toutes les demandes de renseignements faites par les médias. Lorsqu’une affaire pourrait attirer l’attention des médias ou susciter la controverse, le Procureur général peut être appelé à faire des commentaires. Dans de tels cas, l’avocat doit immédiatement fournir un note d’information au sous-procureur général adjoint (Droit pénal), laquelle est transmise par le gestionnaire de l’avocat. Cette note exposera les faits, les mesures prises à ce jour et la question précise qui intéresse les médiasNote de bas de page 4.
Sont compris les cas où :
- le sujet de la poursuite comprend des questions importantes d’ordre constitutionnel, de relations fédérales-provinciales ou internationales, du fonctionnement gouvernemental, ou de la sécurité nationale;
- l’accusé est connu du public;
- la ou les questions soulevées ont préalablement soulevé un débat public.
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